PARC PIERRE CHEVAL
Porté par le village, ce projet représente quatre années de travail et de réflexion pour aboutir à sa livraison en juin 2019. Le site proposait à l’origine une collection d’architectures vernaculaires : une maison abandonnée, une ancienne chapelle, une cave, des emmarchements formant un amphithéâtre naturel, d’anciens vergers et des jardins en terrasse. Outre sa position centrale dans le village, le lieu propose également de nombreuses perspectives sur le paysage viticole et la vallée. L’ensemble se présentant comme autant d’objets singuliers dans leur contexte naturel.
Ces architectures possédaient d’ores-et-déjà des qualités liées à leur ancrage au site, à leur histoire, à leur conception traditionnelle, à leur hyper-matérialité. Or le lien entre les éléments architecturaux et leur environnement n’existait plus que partiellement, le site ayant subi plusieurs transformations sans concertation, lui faisant perdre son rapport au paysage.
Les changements de modes de vie entraînent l’abandon des centres anciens à la campagne, qui se dévitalisent. L’accueil de nouveaux résidents, le maintien des populations sur place et l’adaptation des services, des commerces et des équipements aux modes de vies actuels constitue donc une priorité pour garantir leur survie. Dans les territoires qui ont besoin d’emplois et d’activité, on a tendance à insister sur l’urgence et sur le programme. Nous avons préféré mettre en avant la possibilité d’un lieu en phase avec les qualités du paysage et les ressources historiques, patrimoniales, naturelles et humaines.
De nombreuses pistes de réflexion et des exemples montrent que les nouveaux aménagements sont une occasion de bonifier le territoire. C’est cette attention "ordinaire", exigeante et fructueuse à long terme qui nous a porté tout au long du projet.
De manière un peu empirique, une série de dessins est développée autour d’un récit graphique et sensible, facile à appréhender par la maîtrise d’ouvrage et lui permettant de comprendre rapidement les opportunités offertes par le site. Pas de grand geste mais plutôt la recherche d’un fil conducteur entre plusieurs ouvrages, un lien entre intérieur et extérieur, un travail sur le traitement d’un sol continu, donnant lieu à un archipel de micro-interventions, de dispositifs, qui répondent à la complexité du site, à sa morphologie existante et son potentiel d’appropriation par les visiteurs.
Les Metaphors d’Ettore Sottsass sont convoquées, sources d’inspiration manifestes. Les photographies vernaculaires de Ghirri, les architectures de Rossi, leur paysage de la mémoire qui est aussi le nôtre. On trouve dans les œuvres d’arte povera un matérialisme spirituel, une révélation du mystère de l’existence dans les objets les plus banals, les plus insignifiants, les plus quotidiens. Faire de l’architecture avec rien, créer à partir de gestes simples - dans le sens d’une frugalité - avec des produits pauvres: du sable, de la terre, du bois. On les positionne comme des éléments artistiques de composition, au sein d’un assemblage impromptu, qui conjugue le minéral et le végétal, prônant une radicalité faite de formes libres qui empruntent à la poésie et au minimalisme des matériaux.
Travaillant sur la mémoire du lieu, notre proposition redonne aux entités présentes sur le site leur visibilité et leur rôle structurant au sein de la commune par un traitement tout en sobriété. La chapelle retrouve son autonomie, des extensions en retrait lui sont greffées, lui assignant de nouveaux usages (expositions, espace de banquet, cuisine, stockage, sanitaires, jardin d’hiver). Un nouveau parvis en demi-lune redessine sa silhouette, répond à la modénature de la façade existante. Les ouvertures d’origine sont restaurées, de nouvelles sont créées, un peu par mimétisme. La brique et la pierre d’époque, le parpaing et le béton d’aujourd’hui sont recouverts d’un badigeon à la chaux : on s’amuse avec les repères temporels, on brouille les pistes, on compose avec l’existant. La cave est réhabilitée, son nouveau sol est étendu vers la place; la limite de la place est traitée par plusieurs assises en béton qui dessinent son extrémité, orientent le visiteur vers l’intérieur de la parcelle et permettent d’embrasser du regard l’ensemble du tableau.
En partenariat avec les entreprises locales et les élus, nous partons à la recherche des moyens constructifs les plus adaptés pour répondre à la fois à la raréfaction des ressources et au budget limité de la commune. Utilisation de sables des carrières locales, réemploi d’anciens pavés de granits stockés par les services municipaux, utilisation d’un badigeon traditionnel à la chaux pour assainir les murs humides, menuiseries en acier pour ventiler naturellement l’espace intérieur, plantations d’espèces indigènes dans les jardins pour respecter les écosystèmes locaux, nivellement des sols respectueux de la géologie locale et des écoulements d’eau. Nous tentons d’invoquer la culture du "bien construire", valeur indissociable de la qualité du cadre de vie.