Le Musée de Cluny, Musée des Thermes et du Moyen Age, est un condensé d’une histoire de l’architecture autant horticole que bâtie. Une addition du XXIᵉ siècle est la dernière arrivée. Place Paul Painlevé, l’ancienne entrée du musée était inadaptée à une reconfiguration des espaces muséographiques et à un accueil digne de tous les publics. Il fallait donc offrir au public des services et des conditions de confort conformes aux exigences d’un grand musée national.
Frôlant désormais l’imposante silhouette des thermes, la nouvelle volumétrie appuie sa physionomie sur une compression historique. Elle teste avec franchise un scénario propre à composer, avec l’ensemble de ses strates, une singularité urbaine et patrimoniale qui replace le Musée dans la ville en lui donnant « pignons sur rue ».
Projeter cet édifice avait pour ambition de nourrir le site d’un éclat supplémentaire en développant une « Logique du moindre impact » à l’égard des structures existantes. Jouant autant de sa présence que de son effacement, il participe en douceur à la création d’une fusion entre l’importé et l’existant. Au regard de cet ensemble bâti, il n’est qu’une « bague au doigt » désignant au passant la nouvelle vitalité d’un Musée qui poursuit la belle idée d’une ville romaine s’édifiant sur elle-même.
C’est de la terrasse de Boeswillwald (du nom de l’architecte de la bâtisse du XIXᵉ qui l’accompagne) que le nouveau bâtiment observe aujourd’hui, depuis ses 12 mètres de faîtage, le mouvement bruyant et continu de la ville. L’ouvrage repose sur quelques micropieux autorisés par l’archéologie. Ils traversent l’épaisseur des maçonneries antiques en délimitant une réserve archéologique protégée d’environ 250 m².
L’accolement de deux petites nefs inégales définit l’image contemporaine du nouvel édifice. Sa volumétrie, en apparence fragmentée, réduit son impact dans la perspective depuis le boulevard. Le pli de leur toiture inscrit l’édifice dans un registre formel familier, propre à susciter à terme un principe de couverture pour l’ensemble des vestiges.
Laissant percevoir les volumes originels, la construction préserve la lisibilité et la succession des silhouettes anciennes. En quête d’une illusoire intemporalité dans sa complicité avec l’existant, la vêture est faite de modules de fonte d’aluminium aux dimensions et au relief inégaux contrastant avec les masses lapidaires des vestiges. Souriant au boulevard Saint-Michel, cette texture de fonte, modifie ses couleurs au gré de la course du soleil. L’ouvrage parait posé sur un socle de verre largement ouvert sur l’espace de la librairie qui, reposant lui-même sur les maçonneries historiques fait coexister le récent et le ruiné.
Les trois façades arborent de larges aplats de guipures métalliques, avec un motif emprunté aux dentelles de pierre sculptées et repérables sur le tambour de l’escalier intérieur de la Chapelle de l’hôtel gothique, l’une des salles emblématiques du Musée. Ce motif tatoue certaines tôles de fonte et protège les quelques ouvertures en diffusant une lumière graphique et tamisée Ce signal identifiable se retrouve sur la grille extérieure en prolongement de la grille historique de l’architecte Albert Lenoir.
Pour calmer le jeu, la pondération, s’est imposée avec une architecture de continuité qui évite, avec la matérialité de son enveloppe, tout mimétisme avec son environnement proche sans perturber l’unité de l’ensemble historique. L’idée de réversibilité est présente dans cette vêture de plaques de fontes aux motifs précis dans leur dessin et aux reliefs uniques et hasardeux. En façade, leur épaisseur et leur assemblage composent un principe constructif traditionnel.
Rue du Sommerard, le traitement géométrique de la façade sud marque une légère contraction qui la désigne clairement comme la nouvelle entrée du musée. Accessible à tous, elle n’hypothèque pas pour autant la possibilité d’une seconde entrée depuis le boulevard St-Michel. En attendant, la connexion avec la vieille annexe romaine, l’un des centres de gravité de Paris, située en limite de ce boulevard, s’opère par un jeu de passerelles qui surplombent et protègent partiellement les vestiges du Caldarium.
L’organisation intérieure valorise les hauteurs disponibles en se développant sur trois plateaux dont l’un n’est que partiel. Le musée améliore ainsi ses structures d’accueil mais gère aussi sa mission de conservation. Avec cette extension, il élargit son parcours de visite grâce à une petite salle d’expositions temporaires qui se découvre en fin de visite après la dernière salle du circuit permanent, aménagée à l’étage du bâtiment Boeswillwald.
Le ruban d’un escalier habillé de résine s’enroule dans le grand volume du hall et offre dès l’entrée le point de mire, d’une figure en mouvement. C’est un message qui invite autant à la perception des espaces qu’à la découverte des collections.
Le Musée de Cluny poursuit ainsi sa longue histoire architecturale en comblant ici et là ses rares disponibilités foncières n’impactant pas le potentiel archéologique. À partir d’un nouveau lieu et dans des limites de moins en moins élastiques, il redistribue l’enchaînement des salles pour redéfinir ses parcours muséographiques.