Mémorial du Camp de Rivesaltes. Salses-le-Château, France
Le projet de mémorial du camp de Rivesaltes a luimême une longue histoire scandée par les aléas des enjeux politiques, tant il est vrai que, dans de telles opérations, histoire, politique et mémoire sont toujours étroitement mêlées.
On retiendra, d’abord, que ce projet est né de la société civile. Trois personnalités ont joué un rôle décisif à l’origine: Claude Delmas et Claude Vauchez ont su mobiliser les forces locales; Serge Klarsfeld a activé ses réseaux nationaux. L’essentiel se joue au milieu des années 1990. Les uns et les autres peuvent déjà s’appuyer sur le « Journal de Rivesaltes 1941-1942 » paru en 1993.
Il a été tenu par une infirmière du Secours suisse aux enfants, Friedel Bohny Reiter, qui y raconte la vie dans le camp et le drame des déportations. En 1994 une stèle est érigée à la mémoire des Juifs déportés du camp de Rivesaltes vers Auschwitz, une autre pour les harkis en décembre 1995. Elle sera suivie en 1999 par une stèle en hommage aux Républicains espagnols.
Mais c’est le scandale provoqué par la découverte d’un fichier du camp dans une déchetterie par le journaliste Joël Mettay qui marque un tournant de l’histoire du projet. Dans la foulée une pétition nationale de grande envergure est lancée par Claude Delmas et Claude Vauchez, et est signée par Claude Simon, Simone Veil ou Edgar Morin. C’est au même moment que le relais politique de ce combat entre en jeu en la personne de Christian Bourquin, candidat socialiste à la présidence du département des Pyrénées-Orientales, qu’il gagnera en 1998. Tout au long de sa vie, comme Président du Conseil Général, puis comme Président du Conseil Régional, y succédant à Georges Frèche, il fera de la réalisation d’un Mémorial sur le site du camp l’un de ses principaux objectifs.
Ce sera sur l’îlot F, inscrit au registre/ à l’inventaire des Monuments Historiques en 2000. Tout se met bientôt en place. Christian Bourquin demande à l’historien des camps d’internement, Denis Peschanski, de créer et de présider un conseil scientifique qui cadre historiquement le projet. Une commission Mémoire qui réunit les associations, une commission pédagogique qui rassemble les nombreux enseignants déjà mobilisés depuis plusieurs années avec leurs élèves complètent le dispositif.
Enfin, en janvier 2006, c’est l’architecte Rudy Ricciotti, aidé du cabinet Passelac & Roques, qui remporte le concours international d’architecture. Le projet de Mémorial est voté à l’unanimité par le Conseil Général des Pyrénées-Orientales. Bientôt Robert Badinter apporte sa caution morale en acceptant de parrainer le projet.
Alors s’engage un long travail de mise au point. Tandis que les aléas politiques ralentissent la réalisation concrète, le temps est mis à profit pour mieux connaître l’histoire du camp. Un inventaire photographique est réalisé sur les trois îlots majeurs, J, F et K. Tout s’accélère finalement en 2010 avec la délivrance du permis de construire, en 2012 avec le début des travaux, en 2013 avec la création du Fonds de dotation présidé par Anne Lauvergeon, et chargé de solliciter et mobiliser l’aide privée. En janvier 2014 le portage administratif est mis sur pied : il s’agira d’un Etablissement Public de Coopération Culturelle (EPCC) dont la direction est confiée, le mois suivant, à Agnès Sajaloli.
Décédé le 26 août 2014, Christian Bourquin ne pourra voir l’aboutissement de ce projet et la réalisation du Mémorial. L’histoire retiendra que c’est sur son cercueil, par un discours du Premier Ministre Manuel Valls, que le Gouvernement français décidera d’engager le soutien moral et financier de l’Etat au côté de la région Languedoc-Roussillon et du département des Pyrénées-Orientales.
Le Parcours Permanent
La salle d’exposition permanente (1000 m2) a été conçue de manière à ce que le visiteur puisse comprendre les événements historiques qui ont provoqué de vastes déplacements forcés de populations et la création de plus de 200 camps d’internement en France rien qu’entre 1938 et 1946, dont celui de Rivesaltes.
Au centre, une grande table de plus de 30m de long présente, outre la chronologie du camp, de multiples témoignages, documents et objets qui retracent l’internement des troupes coloniales, des républicains espagnols, des indésirables, des Juifs, des Tsiganes, des collaborateurs et des prisonniers de guerre allemands, autrichiens, italiens, polonais, puis des Harkis, des tirailleurs guinéens, malgaches, indochinois... afin de visualiser le parcours de l’ensemble des populations civiles mais aussi militaires qui y ont été internées ou hébergées selon les périodes.
Cinq grands panneaux lumineux permettent de replacer ces événements dans le contexte historique français et international: montée des fascismes en Europe et politique d’internement, guerre d’Espagne, Seconde Guerre mondiale, guerre d’Algérie... Un sixième panneau présente la situation des déplacements forcés de population et de l’internement aujourd’hui, avec notamment une interview du représentant pour la France du Haut Commissariat aux Réfugiés.
En complément, un espace interactif est dédié à la consultation de cartes relatives aux camps d’internement français et aux déplacements forcés de populations en France, en Europe, et dans le monde tout au long du 20e siècle.
A disposition également, un ensemble de 48 témoignages d’anciens internés et de personnes qui se sont engagées dans les oeuvres de secours, sur tablettes et un grand nombre de films et d’archives projetés sur les murs du Mémorial et dans les modules d’exposition.
Enfin pour conclure, le visiteur pourra voir une peinture murale représentant le plan de l’îlot F.