Maison à Vessy
UNE FORME ELEMENTAIRE SCULPTEE PAR LA LUMIERE.
Formés à l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne, les architectes Antonio et Daniela Carneiro ont conçu ce projet d'habitation pour eux et leur trois jeunes enfants. L'approche est fidèle à celle qui inspire tous leurs ouvrages, qu'il s'agisse de villas privées ou d'immeubles, en suisse comme à l'étranger. La réduction du langage frôlant l'abstraction, la perfection du détail et l'élégante simplicité des matériaux laissent deviner l'influence du courant suisse contemporain. Cela jusque dans la façon de conjuguer ces valeurs dans l'affirmation dune certaine lisibilité de la construction, à l'intérieur comme à l'extérieur.
Située au bout d'un chemin en cul-de-sac, dans la campagne de Vessy, cette maison familiale entretient une totale transparence avec le jardin au niveau du rez-de-chaussée tandis que à l'étage la zone de nuit, lovée dans un volume massif et sombre se protège du voisinage bâti en jouant l'introversion. L'intimite de cette dernière est uniquement rompue par des ouvertures positionnées en accord avec l'usage des pièces. Résultat: une forme élémentaire sculptée sombre et de lumière, qui exprime clairement l'organisation des espaces intérieurs structures en toute fluidité.
ARTIFICE ET NATURALITE.
Faisant fi du paysage dénué de référence marquante, le plan carré de 130m2 ouvre la maison sur tous les côtés. Le rez entièrement vitré et ouvert par de larges baies coulissantes sur le jardin reflète cette idée tandis que le volume supérieur, plus important au sud et à l'ouest, souligne son orientation. Un décalage d'autant plus nécessaire que, au nom du minimalisme, les percées ne bénéficient d'aucun brise-soleil. Posée sur un socle de béton, la maison se faufile à l'arrière entrée deux arbres existants. A l'opposé, elle affronte la légère pente du terrain par un pliage qui signale son entrée latérale et gendre la rampe d'accès côté rue. C'est à ce niveau, en contrebas de la parcelle de 1350 m2, qu'est construit le garage; sa façade côté maison est palissée de rosiers qui la recouvriront dans deux ou trois ans. La petite fontaine en béton, teinte comme le socle de la maison, qui y est accollée s'insérera alors dan la parois végétale.
Le rez s'organise autour de trois volumes géométriques en bois chêne qui délimitent les différentes activités diurnes, sans jamais cloisonner l'espace. Le hall porte, d'un côté, au module du vestiaire et à l'escalier; de l'autre, vers un grand cube lisse et pur, sans poignées apparente, et vers le salon qui jouit d'une vue privilégiée sur la piscine. La structure porteuse est totalement noyée à l'intérieur de ces volumes et libère de ce faite le porteur vitré. Par beau temps, le jardin devient aussi une pièce supplémentaire faisant partie intégrante de la zone de jour.
La double hauteur du salon articule la zone de nuit du premier étage et fonctionne comme un puits de limier. Les différents espaces gravitent autour du vide. Les trois chambres des enfants font face à la chambre principale donnant sur le grand sapin, sa salle de bains sur le magnolia et le dressing, le tout en lien direct avec un vaste bureau qui plonge en diagonale sur le salon et l'entrée. De par la distribution des espaces, la maison forme une unité compacte qui profite pleinement de la fluidité du plan libre.
LE LANGAGE DES MATERIAUX.
Selon Saint Thomas d'Equin, la beauté naît du rapport entre des choses différentes. Ici, le contraste entre les matériaux rejoint la cohérence relationnelle entre intérieur et environnement et la justesse de l'opposition entre la dématérialisation et la dense matérialité du béton qui préside a l'enveloppe du bâti. Dans la mise en scène intérieure, la trame en chêne fumé bronze répond au blanc laqué brillant, écho à la trame carrée du marbre de Carrare qui court sur le sol du rez-de-chaussée. Omniprésente, la précision du détail s'infiltre jusque dans le veinage du bois. Il est partout vertical sauf pour la cheminée du salon et le panneau de la cuisine lui correspondant à l'opposé. "Un hommage à cette double hauteur" notent les architectes.
Qu'elle éclaire le couloir, les chambre ou le bureau, la fenêtre percée se répète à l'identique. De l'extérieur, elle se présente comme un carré au vitrage fixe, prolongé par un grillage en métal éloxé couleur bronze qui drape un portillon ouvrable en bois, les ailettes et une moustiquaire. Le concept permet ainsi d'inclure le réglage de la luminosité, la ventilation et le garde-corps.
Côté jardin, le béton finalement teinté gris anthracite de la piscine, débordant sur un parterre de graminées, fait écho au socle de la maison, en béton taloché sur place. Pour des raisons fonctionnelles, le revêtement de la piscine est en carrelage de grand format et même couleur. Il s'harmonise avec le bois d'ipé de la terrasse couverte et du deck, et des meubles de jardin signées Roda et Vitra. Texte: Viviane Scaramiglia